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Professionnels et professionnelles de santé : les 18 recommandations pour combler les inégalités de genre

Care4EveryBody a formulé 18 recommandations destinées aux professionnels et professionnelles de santé pour combler les inégalités de soins entre hommes et femmes.

Médecin dégeulasse

Ce travail d’inventaire et de classement est colossal. Il a été mené de manière collaborative avec 20 experts européens de différentes disciplines médicales. Le rapport complet a été publié en anglais dans le journal BMJ Public Health volume 3.

Toutes les professions de santé sont concernées. Comme souvent pour la santé des femmes, les sages-femmes ont une place de choix.

Voici ces 18 recommandations.

1. Gynécologie 🍑 : santé reproductive

Préserver et étendre les acquis en termes de droits sexuels et reproductifs (notamment autour de l’IVG).

👉 S’exprimer en faveur de la santé reproductive et lutter vigoureusement pour défendre les acquis quand ils sont menacés —comme aux États-Unis où l'accès à l'éducation reproductive et à l'avortement a récemment diminué.


2. Médecine d'urgence 🚑 : maladies cardiovasculaires

Il existe un biais de diagnostic selon lequel les maladies cardiovasculaires graves toucheraient principalement les hommes. Actuellement, le diagnostic de maladies cardiovasculaires chez les femmes a 50% plus de risques d’échapper aux médecins.

👉 Ce biais doit disparaître.


3. Médecine d'urgence 🚑 : biais de symptomatologie

Il existe aussi un biais de symptomatologie.

👉 Les symptômes de maladies cardiovasculaires et neurovasculaires graves chez les femmes ne devraient pas être enseignés comme étant "atypiques", mais comme au moins aussi fréquents que chez les hommes.


4. Pharmacologie 💊 : médicaments non prescrits

Un nombre exagéré de médicaments ne sont pas prescrits aux femmes enceintes ou allaitantes, alors qu’ils ne présentent pas de contre-indications pour le fœtus ou le bébé.

👉 Multiplier les études et le actions d’information.


5. Santé publique 😷 : VSS

La prise en compte des violences faites aux femmes est insuffisante. Un tiers des femmes âgées de 15 à 49 ans a connu des violences sexistes et sexuelles (VSS).

👉 Être vigilant aux signes d’abus et violences, et savoir orienter la patiente vers les organismes et professionnels qui pourront l’aider.


6. Cardiologie 🫀 : hypertension

Chez les femmes de 40 ans, une pression artérielle "élevée-normale" est associée à un risque deux fois plus élevé de crise cardiaque avant l'âge de 60 ans. Cette association n'est pas observée chez les hommes.

👉 En ce qui concerne l'hypertension, des définitions spécifiques au sexe devraient être produites et enseignées.


7. Gynécologie 🍑 : ménopause

La ménopause s'accompagne de problèmes physiques et mentaux chez plus de 50 % des femmes. Il faut résister à la normalisation des problèmes liés à la ménopause et conseiller un traitement adapté. D’autant plus qu’elle est un catalyseur de risques (hypertension, diabète, hyperlipidémie, obésité, etc.)

👉 Les professionnels et professionnelles de santé doivent être mieux renseignés et formés sur le sujet de la ménopause.


8. Pharmacologie 💊 : recherche et tests

D’un côté, des médicaments sont parfois refusés aux femmes parce que l'effet des médicaments sur la fertilité est inconnu. De l’autre, certains médicaments potentiellement tératogènes ou causes d'infertilité sont prescrits malgré les risques connus.

👉 Nous avons besoin de plus de recherches approfondies et tests sur des femmes, pour comprendre les propriétés des médicaments qui pourraient affecter la fertilité et le fœtus, et d’informations appropriées.


9. Santé publique 😷 : inégalités socio-économiques

Les inégalités socio-économiques ont souvent un impact plus sévère sur la santé des femmes et des filles que sur celle des hommes et des garçons. En effet, elles ont tendance à avoir moins accès aux soins de santé que les hommes dans des positions similaires.

Trois causes principales sont identifiées : la nutrition, l’éducation et les écarts de salaires.

👉 S'attaquer aux inégalités socio-économiques est une étape essentielle pour promouvoir la santé des femmes. Les professionnels et professionnelles de santé ont un rôle d’éducation, d’écoute et de conseil à apporter.


10. Endocrinologie 💉 : ostéoporose

L'ostéoporose chez les femmes est deux fois plus fréquente que chez les hommes.

L'ostéoporose chez les femmes survient généralement avec la ménopause et le vieillissement. Chez les hommes, le diagnostic d'ostéoporose indique un autre trouble (par exemple, le syndrome de Cushing, l'alcoolisme).

👉 Les professionnels et professionnelles de santé doivent conseiller aux femmes des mesures préventives telles qu'une alimentation saine riche en calcium, une consommation limitée d'alcool, l'arrêt du tabac et une activité physique (en particulier avec des exercices porteurs de poids tels que la marche, le jogging et la montée des escaliers).


11. Santé publique 😷 : santé reproductive

Les femmes doivent avoir accès à une large gamme de services de santé reproductive et infantile de qualité et complets.

👉 2 axes pour les professionnels et professionnelles de santé : 1️⃣ promouvoir l'éducation médicale et le financement de la recherche et 2️⃣ soutenir leurs collègues travaillant pour ces services, en santé comme en social.


12. Oncologie 🦀 : diagnostic

De nombreux symptômes sont interprétés différemment chez les hommes et chez les femmes. La douleur, la toux, les troubles neurologiques et les symptômes gastro-intestinaux sont souvent considérés comme “psychosomatiques” chez les femmes plutôt que chez les hommes.

De plus, certains cancers, tels que les cancers de la tête et du cou, les cancers du poumon et les cancers gastro-intestinaux, sont considérés comme des maladies plutôt "masculines". Résultat ? Un retard dans le diagnostic et la prise en charge des cancers chez les femmes.

👉 Il est urgent de mieux informer la population sur l'épidémiologie du cancer.


13. Conseil 💬 : fertilité

Dans la plupart des spécialités médicales, il existe des exemples de maladies et de traitements qui justifient à la fois des conseils sur la préservation de la fertilité et des actions préventives. Or ces conseils et informations sont rarement dispensés, particulièrement lors de la prescription de médicaments tératogènes, le diabète, les maladies thyroïdiennes ou encore les troubles psychiatriques.

👉 Les professionnels et professionnelles de santé travaillant avec des patientes en âge de procréer doivent toujours garder à l'esprit une future grossesse.


14. Santé publique 😷 : dépistage

Le dépistage est essentiel pour prévenir les maladies malignes (cancers) chez les femmes. Le cancer du col de l'utérus, par exemple, est responsable de plus de 7% de tous les décès liés au cancer chez les femmes dans le monde. Aujourd'hui, 85% de ces cancers surviennent dans des pays en développement. Les pays développés qui ont mis en œuvre des programmes de dépistage rapportent quant à eux une diminution de 50 % depuis 1975.

Attention cependant, les inégalités de dépistage ne sont pas liées qu’au niveau développement du pays. Elles sont aussi socio-économiques.

👉 Les professionnels et professionnelles de santé doivent être conscients des inégalités de dépistage auxquelles sont confrontées les femmes issues de groupes défavorisés. Et ainsi imaginer des tactiques pour les aider.


15. Santé publique 😷 : maladies auto-immunes

Environ 80 % de tous les patients diagnostiqués avec des maladies auto-immunes sont des femmes. Cela pourrait être dû à l'association des conditions auto-immunes avec le chromosome X.

Les maladies auto-immunes connaissent des phases de rémission et de poussées et peuvent être difficiles à reconnaître, car les symptômes peuvent être assez génériques. Plus de 40% des femmes finalement diagnostiquées avec une maladie auto-immune ont d'abord été mal diagnostiquées.

👉 Les professionnels et professionnelles de santé travaillant régulièrement avec des femmes devraient avoir une connaissance de base des symptômes des maladies auto-immunes.


16. Conseil 💬 : soutien psychologique

Les femmes ont souvent davantage besoin d'un soutien social et mental pendant et après une période de maladie grave.

Pour le cancer du sein par exemple, la période qui suit la maladie elle-même fait encore partie de la maladie, car les patientes doivent se réajuster à une image corporelle différente, se rétablir physiquement et émotionnellement, et réajuster les liens familiaux.

👉 Informer les patientes tout en organisant un soutien psychologique au début d'une période de maladie grave et en poursuivre ce soutien après la fin du traitement à l'hôpital. Les écoles de médecine devraient enseigner la santé intégrative pour le soin des femmes.


17. Pharmacologie 💊 : ménopause

Sécheresse vaginale, inconfort sexuel, symptômes urinaires, bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, dépression, insomnie, perte de cheveux… Les symptômes de la ménopause ne lui sont parfois pas associés, alors qu’ils le devraient. Conséquence : des tests superflus et des recours à des médecines alternatives.

👉 Les professionnels et professionnelles de santé doivent comprendre la pathophysiologie des symptômes post-ménopausiques. Qu’ils ou elles connaissent les options de traitement adaptées.


18. Conseil 💬 : changements corporels

Le corps des femmes peut considérablement changer dans les périodes de maladie en raison de la maladie elle-même, du traitement, de la chirurgie et des hormones. Ces changements corporels sont souvent peu abordés avec les patientes et peut être une surprise.

👉 Être conscients de l'impact des changements corporels sur les femmes et organiser un accompagnement ou un soutien psychologique.


explications medecin

Si les 18 recommandations ci-dessus sont celles qui ont été retenues, la liste initiale de 47 points est elle aussi intéressante. Elle mentionne par exemple :

  • Les migraines plus fréquentes et sévères chez les femmes.
  • Les grossesses involontaires (une sur deux dans le monde).
  • L’endométriose et son diagnostic.
  • Les effets de l’exposition à la pornographie à la pré-adolescence.
  • Les maladies thyroïdiennes dix fois plus fréquentes chez les femmes.
  • La thrombose veineuse cérébrale (TVC) 3 fois plus fréquente chez les femmes, probablement à cause de certaines contraceptions hormonales, à la grossesse, au post-partum et PMA.
  • Les insomnies qui sont plus fréquentes chez les femmes (1 sur 4) à cause des fluctuations hormonales (menstruations, grossesse, ménopause).
  • Urologie : incontinences et infections urinaires plus fréquentes chez les femmes.

💡 Nous devons le reconnaître, la publication est assez indigeste. Elle a été très peu relayée alors qu’il est essentiel d’encourager une approche plus inclusive en santé.

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Pour aller plus loin, nous vous recommandons le livre de Solenne Le Hen et Marie-Morgane Le Moël, Les négligées : enquête au cœur du business de la santé des femmes. Leur enquête est, elle, très digeste —même si elle donne parfois la nausée 🤮